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Les verreries forestières dans notre région

samedi 17 janvier 2004, par Pitot Jean-Pierre, Vareilhes Alain

Les origines du verre dans notre région sont mal définies dans le temps. Les premiers verriers du

Languedoc furent sans aucun doute possible les Romains (il existe des traces de verreries dans les ruines de Murviels les Montpellier). Si les verreries sont d’origine reculée, le corps des gentilshommes verriers et, lui, beaucoup plus facile à cerner. Il date approximativement de la fin du XIIIe siècle. En Languedoc, de nombreux gentilshommes, ruinés par les croisades, ont ému le brave monarque Saint-Louis, qui, touché par leur situation désolée au retour de terre sainte, donna à ces nobles, afin de ne pas les confondre avec les roturiers, le privilège d’exercer l’art et la science de "verroyer" sans "déroger". Il est assuré que la verrerie au moyen-âge était une science, un art exclusivement réservé à la noblesse.

Grâce à la découverte de vestiges à Moussans (Aude), on peut évaluer l’origine de l’implantation des fours à verre dans le midi, vers l’an 1250. C’est Charles VII, qui en 1445, fixe les règles de déontologie de la corporation des souffleurs de verre, par le statut de Sommières. Ces règles précisent entre autre, que nul ne peut être verrier, s’il n’est noble et en même temps d’une généalogie de verriers. Cette charte de Charles VII fait relever toutes les affaires touchant aux verriers du viguier de Sommières. De celui-ci, dépendent jusqu’à la fin de l’ancien régime tous les actes de droit civil et pénal. Nos gentilshommes échappent ainsi à la justice "ordinaire" et cette situation privilégiée ne jouera pas toujours en leur faveur.

En 1700, un arrêté enjoint aux particuliers et aux communautés séculières et religieuses de se conformer pour les coupes de bois à des dispositions spécifiques et draconiennes. Les tracasseries de l’administration, particulièrement celle des eaux et forêts vont s’intensifier pour les verriers. Le coup de grâce est donné en 1725 : "les Etats Généraux du Languedoc, considérant que la consommation de vois est de nature à amener la disette dans la Province, ordonnent :

  • l’interdiction d’avoir des chèvres dans les communautés,
  • la fermeture des verreries sylvestres, à cause de leur excessive consommation de bois, sauf si les propriétaires consentent à les déplacer dans les "montaingnes" de l’Aigoual et de l’Espérou".

Cette ordonnance déplut fortement aux gentilshommes verriers qu’elle assimilait aux populations caprines et donna lieu à des luttes d’influences ainsi qu’à une forte résistance des souffleurs. Certains artisans, mettant à profit leur isolement continuèrent leur art jusqu’à la révolution. D’autres obtempèrent et s’installèrent sur les pentes de l’Aigoual et de l’Espérou. Ils disparurent cependant rapidement, victimes des mauvaises conditions de travail résultant du climat montagnard, des difficultés dues à l’éloignement des grands centre commerciaux et de la concurrence des verreries modernes fonctionnant au charbon "de terre".
Cette ordonnance de 1725 donne un avis favorable à l’exploitation des verreries au charbon. Les gentilshommes verriers vont s’opposer sans succès au développement de cette "industrie moderne".

Dès 1768, la conservation des bois et forêts en Languedoc devient une priorité de l’administration et

les verreries sylvestres sont largement mises en cause. Cependant, en France, les ateliers au charbon ne se multiplient pas pour autant de manière concomitante. La fin de l’ancien régime coïncide avec la fin des ateliers forestiers.
Examinons à présent la localisation de ces fours à verre qu’on appelle également molines ou verrières.
A l’ouest de Montpellier, nous trouvons beaucoup de fours ; par exemple à la Boissière, des deux côtés de la route qui relie Montpellier à Gignac. Toute cette région fût à diverses époques occupée par eux, au sud à Aumelas, au nord à Puéchabon, au Causse de la Selle, au centre à Agrès.
Plus loin, à l’ouest, se trouvaient les verreries de Viols le Fort, l’une blottie contre la chapelle Saint Jean et tendant la main au groupe des verreries de Puéchabon, l’autre à Roussières, près d’une petite mare qui alimentait médiocrement les fours en eau. A l’est de Viols le Fort, nous rencontrons en 1700, la verrerie de Robiac, près de St Etienne de Cazevieille (Sueilles sud), gérée par Noble Jean de Girard. Plus à l’est à Cazenove, en 1708, une verrerie est gérée par Sieur Fulcrand de la Roque. Entre le mas du Razet et Viols le Fort, au mas de Cormont, une verrerie a fonctionné, dirigée par la famille Gréfeuille. Au nord de Viols le Fort et de St Martin de Londres, nous distinguons les ateliers du Coulet et du Villaret qui dépendent des verreries de Férrières, gérées par les familles De la Roque et Ricome.
Sur les deux flancs du Pic St Loup, se situent les deux mas de Sueilles, l’un (peut-être la primitive verrerie) dans la paroisse de St Etienne de "Caseveri" (Cazevieille), l’autre près de Notre Dame de Londres (Béata Maria Lundris), est crée par la famille Adhémar, vers 1430.
Un acte de 1538, reproduit in-extenso stipule : "Le pays, vers l’ouest de Montpellier, entre Sauve et Pompignan est de très mauvais chemin à cause des rochiers, torrens, peyres, boys, vallées et montaignes. Le lieu de Pompignan est assis sur le grand chemin des montaignes des Cévennes à Montpellier, environné de toues parts de montaignes, bois, cavernes et autres lieux dangereux esquelles montaignes, il y a trois ou quatre verreries où s’assemblent les "mauvais garçons". Ces "facinoreux malvivants", guetteurs de grand chemin, perturbateurs de la paix publique, après avoir perpétré leurs exactions et détroussements, se retirent dans les dits rochiers et verreries ou bien prennent fuyte sans que les officiers de justice de Sauve, de qui relève le théâtre de leurs méfaits, puissent être avisés. Ces verreries sont celles de Sueilles, Couloubrines, Baumes et Pompignan" (arc. De l’Hérault - série G).
Nous arrivons maintenant à la ter
re de promissions de verriers : le Marquisat de Londres et le Causse de Pompignan. Sur d’immenses espaces jalonnés par de rares oasis : Brissac, St Martin de Londres, la Roquette, s’étendent au milieu d’un chaos de rochers, les terres de Roquefeuil. Au nord du mas de

Baumes dans le fief de la famille de la Roque, se dressent encore les ruines élégantes et rénovées de la verrerie de Couloubrines où travaillaient en 1512/1522 Jean et Jacques Azémar tous deux membres de cette grande famille de verriers Languedociens. Cet atelier échut en 1426 à la famille de verriers Languedociens. Cet atelier échut en 1426 à la famille de la Roque grâce à Marguerite de Pons, dame de Coulebrine et du Villaret qui épousa Firmin de la Roque.
La Séranne avec ses bois denses tente les verriers. A St Jean de Buèges, nous trouvons la verrerie des Prats où travaillaient en 1708 deux frères : Claude et François de Girard. Ferrières a toujours été le siège d’un four à verre, en raison de l’oxyde de fer contenu dans son sol et qui a donné son nom au hameau. Cet oxyde joue un rôle important dans la fabrication du verre à bouteilles. Plus bas, vers Notre Dame de Londres, on remarque des emplacements de fours où l’on découvre des larmes de verre violet et du verre torsadé dorés.
Plus loin vers le sud, au Rouet, sur les bords du Lamalou, existe un atelier. A St Martin de Londres, les fours fonctionnent depuis 1459. Il y avait une verrerie dans le bourg même, une autre un peu plus au sud à Cazails. Au nord du Pic St Loup et de l’Hortus, se trouve Sueilles ; terroir des Azémar. Nous pensons que depuis très longtemps, peut-être 1300, Sueilles abritait des souffleurs.
A la fin du XVIe siècle et durant tout le XVII, les verriers du Languedoc sont en majorités protestants. C’est vraisemblablement l’une des raisons qui explique que cette profession connaissait peu de faveur après du public et des gouvernants et que les tracasseries de toute nature assaillaient les gentilshommes en les empêchant de s’étendre.
Vers 1685, beaucoup de verriers ont été contraints d’abjurer. Ainsi Isaac de la Roque à Couloubrines a fait abjuration de l’hérésie de Calvin dans l’église de St Jean de Ferrières. Idem pour Jean de la Roque seigneur du Villaret au mas de Baumes. En 1751, Claude Azémar est condamné à 1 500 livres pour avoir fait baptiser ses enfants "au désert".
Le 22 septembre 1664, Antoine de Girard, verrier à La Boissière, arrente les bois et devois pour l’usage d’une verrerie qu’il exploite au lieu appelé "la Grange" au Causse de la Selle. Plus bas, au mas de Bougette (de nos jours Embougette), qui en 1672 appartient au Marquis de Merveil, se trouve une verrerie. C’est en août 1745 que Noble François, Guillaume, Virgile de Lascours exploite cet atelier dans la métairie de Bougette, près de la paroisse de St Etienne d’Issensac.

La fin des verreries forestières

Chassés de plus en plus loin par l’expansion des villes et une administration hostile, tiraillés chaque jour davantage par le double péril que représentent la raréfaction du combustible et la difficulté des transports, les verreries forestières disparaîtront définitivement à la révolution, emportées dans le tourbillon de l’histoire... l’arrivée d’un nouveau combustible, le "charbon de terre" ne fera que précipiter le déclin d’une industrie exangue à la technique démodée.
La verrerie, comme la papeterie, la poterie, la draperie et d’autres fabrications locales, autrefois prospères dans la Languedoc n’a pas pu s’adapter aux techniques modernes, au progrès et rivaliser avec les concurrents venus d’ailleurs, de France et d’Europe.
Il est heureux pour le midi, que l’extraordinaire poussée du vignoble qui s’accroît et s’organise ait pu relayer ces industries déficientes et absorber de grandes quantités de main d’œuvre.

P.-S.

Article de presse écrit pour "La Garrigue entre la Séranne et le Pic Saint Loup" n°74
Septembre 1993

Cet article fait suite à l’article Survol de l’évolution des techniques de fabrication du verre à travers les âges

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