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Le pic Saint-Loup : virtuosité des strates

mercredi 19 décembre 2007, par Caumont Daniel

Témoin exceptionnel des grands bouleversements géologiques qui ont marqués notre
région des garrigues nord-montpelliéraines.

Le Pic Saint-Loup constitue de par son élégante silhouette le monolithe calcaire le
plus saillant, surgissant subitement dans le paysage (I), II est loin d’être comparable
aux collines aux formes adoucies qui dessinent nos garrigues et que de nombreuses routes
franchissent ça et là sans difficulté. S’il s’impose au-dessus du pays,
c’est sans nul doute pour interpeller à sa façon le profane sur ces grandes
étendues de pierrailles qui au nord de Montpellier abondent et dont il est le
maître incontesté. On ne le franchit pas. Il se contourne comme un monument ou
bien une oeuvre artistique sculptée sur toute ses faces.
Sa surprenante candeur n’apparaît effectivement qu’au détour d’une de ces routes, pic Saint-Loup
celles de la plaine de Seuilles par exemple ou bien de la vallée du Lez
(voir article précédent) qui, de part et d’autre, tentent de l’éviter. Pudiquement
tourné vers le Nord, comme pour cacher quelques secrets, il ne se livre qu’aux
automobilistes ou aux randonneurs intrépides qui véritablement veulent s’en approprier
les curiosités. Des curiosités qui interpellent et qui sont tout d’abord d’ordre
géologique. pic Saint-Loup
Tel qu’il se présente de nos jours, le Pic Saint-Loup n’a rien à voir avec
cette montagne qu’il devait être lorsque le plissement dont il est une des
conséquences atteignit son paroxysme et que l’érosion commença son œuvre
destructrice.

  Comment s’est-il formé ?

Des sédiments aux plissements : plusieurs millions d’années pour le façonner

Les calcaires du jurassique supérieur qui le composent sont des sédiments
marins (coquilles, carcasses, ossements..) accumulés en couches successives (strates)
il y a quelque 135 millions d’années au fond d’une grande dépression de terrain
appelée par les géologues « Golfe des Causses ». Ces calcaires-là n’ont rien à
voir avec ceux de la montagne voisine : l’Hortus dont les sédiments se sont quant à
eux déposés par superposition au-dessus de ceux qui forment l’ossature du Pic il y a
quelques 125 millions d’années, c’est-à-dire dix millions d’années plus tard. La pic Saint-Loup
montagne de l’Hortus n’a donc aucune relation directe avec le pic Saint-Loup car
elle ne faisait pas partie du même massif contrairement à ce que certains ont prétendu.

Une partie de ces strates, à l’origine de leurs dépôts accumulés à l’horizontale sur
plus de 2000 mètres de profondeur, (un sondage pétrolier au sud du village de
Cazevieille a permis de le constater) sur un socle très dur ont subi ensuite de
nombreuses contraintes jusqu’au point de se retrouver dans la position où elles se
trouvent actuellement, c’est-à-dire à l’absolue verticale. La forme élancée actuelle que pic Saint-Loup
revêt le pic, et le fait qu’il arbore une belle paroi nord verticale qui n’est rien d’autre
qu’une de ces strates rebroussées, a été la conséquence de fortes poussées de terrains
exercés du sud vers le nord, assortie d’une lente mais progressive compression. Ces
mouvements de terrains importants qui se sont propagés dans tout le Languedoc et bien
au-delà encore en direction des Alpes sont une des conséquences locales typiques de
la surrection de la chaîne des Pyrénées.

Prises en étau, car butant sur des terrains plus résistants situés au sud, ces strates
se sont d’abord plissées, formant au-dessus de l’actuelle combe de Mortiès sans doute
une imposante montagne aux formes arrondies. Ensuite, arc-bouté à outrance par la pic Saint-Loup
compression toujours persistante, elles se sont finalement déplacées pour former
un ensemble de panneaux séparés par des accidents que l’on appelle des « failles ».

Portées très haut, bien plus haut qu’à l’altitude actuelle (probablement plus de
1 000 mètres) ces dernières ont ensuite subi les très longues affres de l’érosion
pendant plus de 40 millions d’années, venant progressivement à bout de la
cime principale jusqu’à complètement évider et former la combe de Mortiès. Cette
combe discrète en forme de cuvette située au nord du village de
Saint-jean-de-Cuculles et dans laquelle est établi un superbe vignoble,
exhume aujourd’hui les séries sédimentaires de la base du jurassique (jurassique
Inférieur) qui renferme de très nombreux fossiles. Cette érosion qui s’est
accentuée pendant toutes les périodes de glaciation quaternaires se poursuit
toujours inlassablement de nos jours. Elle est matériellement caractérisée, entre
autres phénomènes moins perceptibles à l’oeil, par le décollement et la chute des
strates de la face Nord et leur réduction en petits cailloutis comparables à
ceux qui
déjà encombrent le bas des falaises.

pic Saint-Loup

  Une fin propre à toutes les montagnes

Cette lente et inéluctable dégradation, phénomène normal subi par toutes les
montagnes, finira petit à petit par grignoter tout le massif. Lequel,
réduit à une simple colline, verra sans doute ses derniers débris emportes
vers la mer par quelque fleuve ou rivière de nos jours inconnus mais qui
viendront tôt ou tard parcourir nos garrigues. À l’exemple du causse de pic Saint-Loup
Viols-le-Fort situé sur sa partie méridionale, le Pic Saint-Loup, raboté, ne
sera plus qu’un plateau horizontal oubliant qu’il fut un jour la plus
caractéristique et élégante montagne des garrigues.

 Au cœur des strates : falaises et grottes mystérieuses

Parmi les artifices du calcaire fort nombreux de la face Nord, deux grottes
attirent l’attention. La première, située à l’aplomb de la falaise principale, pic Saint-Loup
porte le même nom que la chapelle située au
sommet et dédiée à Saint-Joseph. Cette baume s’ouvre par un vaste orifice
circulaire bien visible de la route du col de Fambetou. Curiosité géologique,
elle se prolonge spectaculairement par un conduit vertical (cheminée) qui
rejoint la crête du pic et y débouche par un aven discrètement caché parmi la
végétation de chênes verts. Cette cavité devrait normalement se développer,
à l’horizontale comme la plupart des grottes. Mais l’antériorité de sa genèse pic Saint-Loup
eu égard ta formation du massif et par voie de conséquence le redressement
de ses strates, a entraîné les galeries de cette dernière dans une position
redressée, c’est-à-dire en position verticale. Ce phénomène ne
s’observe que très rarement tant les conditions à remplir sont exigeantes.

 Des croix gravées

La deuxième grotte, bien plus discrète, s’ouvre à l’extrémité du massif
au-dessus du chemin de Grande Randonnée (GR 60) qui franchit un col pour pic Saint-Loup
rejoindre le village de Cazevieille. Deux entrées percent une aiguille
rocheuse de la face Nord et donnent accès à un couloir d’une dizaine de
mètres de longueur.
Phénomène curieux, et qui n’a rien à voir avec la géologie,
une fois l’an, le 1er février, un rayon de soleil pénètre par l’un des deux
orifices de la cavité. Il vient juste illuminer et se poser quelques instants pic Saint-Loup
et avec précision sur des croix gravées à même la roche. Ces mystérieuses
croix, bien dessinées, sont sans doute l’œuvre d’un prêtre réfractaire venu
se réfugier dans cette grotte à l’époque des guerre de religion. Histoire
de passer le temps et symbolique vont ici de pair.

 Des rivières souterraines

D’autres cavités et non des moindres (on en compte plus d’une cinquantaine... !)
traversent le massif notamment dans sa partie occidentale, telle celle qui,
depuis le « Cirque des Escargots », s’incline progressivement d’éperon en
éperon en direction du causse de Viols-le-Fort. Seule, la grotte de la
Fausse-Monnaie (ou grotte du Mas-de-Londres) pourrait retenir l’attention
par ses deux kilomètres de galeries. Vestige d’une ancienne rivière
souterraine qui circulait autrefois sous le causse, cette grotte toujours
« vivante », s’est adaptée aux transformations du massif et à son évolution
géologique. Profonde de plus de cent mètres, elle donne accès à un petit pic Saint-Loup
ruisseau souterrain dont une coloration à la fluorescéine (colorant puissant)
a permis de déterminer sa relation avec la source du Lez (3) distante de plus
de 10 kilomètres au sud du massif. Un beau réseau souterrain en perspective
mis ainsi en évidence et qui reste à explorer pour les spéléologues.

 Des restes de Mammouth

Mais une autre cavité d’un tout autre intérêt, encore plus discrète et dans
laquelle des ossements de mammouth datés de 32 000 ans ont été découverts
défie la chronique. Le témoignage quelle apporte atteste que lors des
dernières périodes de glaciation qui ont sévit sur le Languedoc, la pic Saint-Loup
température pouvait descendre bien au-delà des -30° !

On le voit bien, la richesse du Pic Saint-Loup et de sa région, que ce soit celle
déjà évoquée de sa silhouette hardie offerte au voyageur qui passe, ou bien
celle de ses curiosités moins perceptibles qui courent ça et là dans
ses innombrables replis vaut bien le détour.
On y portera donc un regard différent, une approche moins classique que celles
qu’il est courant de découvrir à la lecture des guides touristiques traditionnels.
Du château de Montferrand à la tour de Cazevieille, sachons redécouvrir la plus
belle perle de nos garrigues.

P.-S.

Gazette Economique et Culturelle du languedoc n°1329, p. 14-17. 2007

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