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La cigale

dimanche 24 octobre 2004, par Souche Rémy

Saint Jean la fait chanter, Saint Michel la fait taire

Si un Occitan installé sous un figuier rouspète contre le "bruit" que font les cigales à l’heure de sa sieste, je vous en prie, ne le prenez pas au sérieux. Ce chant fait partie du terroir, il ne peut être absent de notre pays. Ici la cigale a été élevée au rang de symbole.

CLASSIFICATION SOMMAIRE

La cigale est un insecte, son corps est divisé en trois par-ties : la tête, le thorax portant trois paires de pattes, deux paires d’ailes et l’abdomen. Elle fait partie de l’ordre des Hémiptères qui compte environ 50.000 espèces, sous-ordre des Homoptères (tous d’une dimension inférieure à 5 mm sauf nos cigales, famille des Cicadaires, sous-famille des Cicadidées ou Cigales dont on compte 18 espèces dans le sud de l’Occitanie dans les genres : Cicada, Cicadatra, Cicadetta, Lyristes, Tettigia et Tibicen).

CARACTERISTIQUE DES CIGALES

Antennes très courtes avec soie terminale, rostre émanant nettement de la tête. Pronotum ne se prolongeant pas vers l’arrière. Nervures 1A et 2A non réunies entre elles vers l’arrière. Hanches médianes courtes et presque contiguës. Insectes de 10 à 50 mm de long (de la tête au bout des ailes). Trois ocelles sur la tête. Deux yeux ayant chacun 14.000 facettes (ommatidies ou yeux élémentaires).

QUELQUES ESPECES

  • Lyristes plebejus : cigale plébéienne ou cigale du frêne, la plus commune. Le plus gros hémiptère européen, 5 cm de long, l0 cm d’envergure, les opercules sont arrondis et recouvrent l’abdomen. Elle a le dessous fauve avec les côtés noirs.
  • Tibicen haematodes : cigale rouge, 38 mm, nervures de l’aile antérieure rouge minium, se rencontre sur haies épines.
  • Cicada orrai : cigale de l’orne, 28 mm, rostre très long, noire et jaune avec poils blancs, chacune de ses ailes antérieures porte 11 taches noires, opercules de l’appareil stridulant ovales et écartés. Se rencontre dans les pinèdes.
  • Cicadette montana : cigale des montagnes, 25 mm, noire et fauve.
  • Cicadatra atra : cigale noire, 20 mm, pronotum en gran-de partie jaune.
  • Cicadatra querula : bord postérieur de chaque segment abdominal, orangé ventralement.
  • Tibicen tomentosa : à abondante pubescence thoracique.
  • Tibicen baetica : jaune.


DE L’ŒUF A L’IMAGO

Un soir vers onze heures, alors que la grande majorité des prédateurs sont en trêve, la nymphe sort de terre et grimpe sur un brin d’herbe, une broussaille ou un tronc d’arbre. Le lendemain dans les premiers rayons du soleil, on apercevra la cigale prenant son envol. Les cigales apparaissent généralement vers le milieu de l’été. Les mâles sont porteurs d’un appareil musical : une merveille d’efficacité et de complexité placée à la base de l’abdomen (et dont on ne voit au dehors que deux volets ou opercules arrondis qui occupent toute la largeur du corps et prennent naissance à la base de la dernière paire de pattes).
L’organe producteur du son est une membrane bombée élastique appelée timbale ou cymbale. Il y en a une sous chaque volet. Au milieu de cette membrane est fixé un muscle qui, en se contractant, tend à aplanir la cymbale. Lorsque ce muscle se relâche brusquement, la membrane reprend sa courbure initiale grâce à son élasticité et le
son produit par ce mouvement est amplifié par une combinaison assez variable de membranes et de chambres de résonance. Chez certaines espèces, la cigale relève et abaisse alternativement son abdomen, ce qui a pour effet d’ouvrir et de fermer l’entrée des cavités internes et de modifier le son qui est tantôt très fort, tantôt assourdi.
Le mouvement des muscles moteurs des cymbales est très rapide, de sorte que le chant qui en résulte est un cliquetis, une stridulation plus ou moins régulière. Les musiciens commencent à chanter vers les huit ou neuf heures du matin et ne se taisent qu’au coucher du soleil (ils sont alors relayés par les grillons) ou par les temps froids et humides. Pendant qu’elles chantent, les cigales se tiennent contre le tronc des arbres, toujours du côté exposé au soleil et tournent autour du tronc au fur et à mesure que le soleil se déplace. Elles enfoncent au travers de l’écorce leur solide rostre et sucent la sève de l’arbre tout en chantant. Le chant, traduisant une énergie sexuelle surabondante des mâles, ne servirait qu’à maintenir la cohésion de la colonie.
Les femelles se trouvent en compagnie des mâles et se préoccupent de la ponte. Pour cela, elles gagnent vers la mi-juillet de minces branches d’arbres verticales près du sol ou mieux les tiges sèches et garnies de moelle de diverses grandes plantes. Elles enfoncent obliquement leur robuste tarière dans la tige et introduisent, à l’intérieur de celle-ci par le même orifice, de six à quinze œufs blanc ivoire, longs de 2,5 mm et large de 0,5 mm. Ce travail dure une dizaine de minutes après quoi la cigale monte un peu le long de la tige et recommence le même travail un cm plus haut. La même femelle peut ainsi peupler 30 à 40 loges différentes, ce qui lui prend six à sept heures et représente de 300 à 400 œufs.

La cigale


Une fois que la cigale a terminé son ouvrage, on remarque fort bien les trous de sonde et les fibres ligneuses qui ont été repoussées en dessous de la tarière en action. Vers la fin de septembre, les œufs deviennent jaunâtres et au début d’octobre ils représentent deux points oculaires d’un brun rouge, ce qui est le signe d’une prochaine éclosion. Dès ce moment-là, trois mois après la ponte, des larves primaires sortent des œufs puis de la tige. Lorsqu’elles ne sont plus engagées dans leur prison que par l’extrémité du corps, elles se fendent sur le dos et la vraie larve apparaît, pendue, bientôt la tête en bas à un mince lambeau blanchâtre, qui n’est autre que la peau de la larve primaire. La première mue a lieu à l’orifice de la tige et déjà la cigale paie un lourd tribut à ses ravisseurs : fourmis, araignées ou oiseaux. La deuxième larve descend au moyen d’un fil de soie et prend contact avec le sol, abandonnant alors son filin qui se contracte en un petit amas embrouillé.
La larve pénètre dans le sol et s’y enfonce à une bonne profondeur pour passer la mauvaise saison. Pendant quatre ans d’obscurité, de montées et de descentes pour suivre la température du sol, de dangers multiples allant du ravinement d’orage à la rencontre des courtilières, elle enfonce ses galeries jusqu’à deux mètres de profondeur.
Les larves de cigales sont endogènes et sont dotées de pattes antérieures très développées grâce auxquelles elles creusent le sol allant d’une racine à l’autre. Grâce à la sève aspirée, la larve excrète un liquide avec lequel elle convertit la terre en mortier. Ceci lui permet de badigeonner les parois de sa galerie et de leur donner la soli-dité que réclament ses fréquentes allées et venues.
Elles passent ainsi plusieurs années à se nourrir sur les racines des plantes (17 ans pour une espèce américaine) avant de sortir à l’état adulte. Malgré une aussi longue période de développement, il n’y a que sept stades larvaires. Lorsque le moment de la métamorphose approche, la nymphe creuse une galerie verticale et abandonne l’obscurité par un orifice de 2,5 cm de diamètre pour 4 à 6 semaines de lumière promise de toute éternité à l’hymen aérien des cigales. A l’aide des harpons de ses pattes antérieures, la nymphe grimpe sur une broussaille, s’y suspend le corps en arrière. Bientôt la cuirasse se fend sur le dos et une cigale toute verte apparaît, se penche en arrière au fur et à mesure qu’elle se dégage et finit par pendre la tête en bas avec tout le corps encore engagé dans la dépouille. Les ailes grandissent dans cette posture renversée et pendent verticalement, en sens inverse de leur pose normale. Lorsque ses pattes sont suffisamment fortes, la cigale se relève, s’accroche à sa dépouille, dégage l’extrémité de son abdomen et se suspend cette fois dans une pose normale, la tête en haut pour achever sa croissance.
Pendant quatre ans d’existence souterraine puis aérienne, la cigale se nourrit de sève et non pas de grains ou de vermisseaux comme l’a dit par erreur La Fontaine.

Conclusion

Arpenter une colline brûlante de soleil, pleine de l’odeur de résine et d’aiguilles de pin surchauffées, sans le chant strident de ces insectes me semble inconcevable.
Parcourir une garrigue où les cistes, les cades, les lentisques et les chênes verts se disputent le terrain sans que l’air vibre du son aigu des cigales, ou encore s’arrêter sous un olivier, rechercher l’ombre avare d’un amandier sans entendre les stridulations familières serait désolant.

Bibliographie

Harant Hervé et Jarry Daniel : Guide du naturaliste dans le midi de la France, 1967, Ed. Delachaux et Niestlé
Robert Paul-A : Les insectes, tome 11, 4ème éd., 1974, Fd. Delachaux et Niestlé
Chinery Michael : Les insectes d’Europe en couleurs, Elsevier 1976
Un ouvrage que je n’ai pu consulter : Fabre Jean Henri - Mœurs des insectes, 1960, Maurepas Hachette
La photo de cigale est aimablement prêtée par M. Pierre Sibleyeas

P.-S.

La Garrigue entre la Séranne et le Pic Saint Loup n°45 - Juin 1986.
Des photos de cigales par

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