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Quelques éléments historiques (3)

mardi 23 septembre 2003, par Pitot Jean-Pierre, Vareilhes Alain

Au cours du XIXe siècle, un mouvement lent mais sûr de récession va se produire dans notre commune. L’étude démographique et les statistiques relatives au revenu agricole serviront de base à notre analyse.
Mais d’abord :

La prospérité atteint son point culminant


La Révolution a changé peu de choses dans la structure de la propriété et la répartition des cultures au Causse. Il n’y avait pas au village de biens nationaux. Les délibérations du conseil municipal de 1793 relatent la saisie de tous les titres féodaux et seigneuriaux selon la loi du 17 thermidor an II. A cet effet, une commission s’introduisit chez la "citoyenne veuve Ginestous, ci-devant seigneuresse du causse", saisit les reconnaissances de 1460, 1593… et les brûla dans la plus grande joie sur la place du village.

Répartition des cultures et production agricole au XIXe siècle


La production de grain est assez importante car les terres cultivées sont relativement pauvres mais nombreuses. En 1793 : 150 ha sont ensemencés et produisent une quantité de grains à peine suffisante pour la population. Cependant, un délibération du conseil municipal de cette même année nous révèle une demande de la population pour baisser sa contribution à la réquisition
d’avoine et de fourrage car "Toutes les terres cultivables sont réservées aux grains pour la subsistance et il n’y a pas assez de fourrage pour les bêtes qui en mars doivent coucher dans la campagne pour manger l’herbe, ce qui est fort imprudent".
La démographie s’établit autour de 500 habitants. Tous les mas et les hameaux voient leur population grandir et produisent le maximum de cultures.
En 1830, le Causse possède : 444 ha de terres labourables, 59 ha de vignes, 36 ha de terres à mûriers, 8 ha d’olivettes, 3 900 ha de bois et pâtures.
Quelques gros propriétaires vivent au milieu de leurs terres, à Marrou ou au Bouis par exemple. Une importante main d’œuvre participe aux travaux agricoles. Les principales sources de revenu de la commune restent liées à l’élevage et à l’exploitation du bois.
En 1853, on trouve au Causse : 329 ha de terres cultivées et 140 ha en jachère.
Les rendements sont faibles : on s’aperçoit que 148 ha de froment ont produit 936 hl de grain, soit un rendement moyen de 6,3 hl/ha. La commune en consomme 1 600 hl, le déficit est donc assez conséquent.
La production de vin est excédentaire : 59 ha de vignes à 35 hl/ha (rendement faible) produisent 2 000 hl. La consommation est bien inférieure car sur les 500 habitants de la commune, si 200 hommes boivent 2 l de vin par jour (on buvait beaucoup plus de vin qu’actuellement), on obtient : 1 400 hl consommés.
La vente du bois est essentielle : 1 200 stères de chêne sont vendus pour le chauffage, 1 200 bottes d’écorces qui sont d’un bon rapport et 12 000 fagots de ramille. 800 quintaux de feuilles de mûrier nourrissent les vers à soie et produisent 2 000 kg de cocons, marchandise qui constitue encore un gain important. Les troupeaux sont très abondants (6 à 7 000 têtes). Le produit de la vente de la laine, la viande, la peau, est nettement positif par rapport au grain acheté. Il faut ajouter à ce cheptel, 100 porcs et pas moins de 300 ruches qui produisent 1 000 kg de miel !
Le Causse est donc en ce milieu du XIXe siècle en pleine expansion. Il vit aisément de l’exploitation de son terroir et le bilan est largement favorable. Il ne dispose cependant d’aucune industrie importante car le manque d’eau se fait cruellement sentir.

La crise

Crise Agricole et diminution des surfaces cultivées


Du milieu du XIXe siècle à nos jours, la surface consacrée à la culture des céréales diminue inexorablement. La concurrence des grains cultivés à fort rendement dans les régions céréalières a provoqué l’importation de marchandises à un prix JPEG
très bas. Le développement du commerce et la facilité des communications (chemin de fer, routes, etc…) expliquent l’effondrement des cours de ces produits.
Nous voyons donc apparaître une baisse significative des surfaces réservées aux graines. Il est à remarquer que ces terres sont soit converties en vignes, culture qui prend de plus en plus d’importance, soit abandonnées par leurs propriétaires qui fuient vers la ville.

Crise des produits forestiers

L’exploitation du bois connaît une crise sans précédent surtout dans la première moitié du XXe
siècle. L’importation d’extrait tannique du Quebracho argentin réduit la demande d’écorce de chêne vert : l’usage de la houille et du coke pour les besoins domestiques et industriels concurrence
le bois de feu. Son prix de vente baisse. Enfin, dans les années 1935, le mazout porte un coup de grâce aux produits issus de la forêt. Les
boulangers abandonnent la ramille pour chauffer leur four. Parallèlement, l’exploitation devient onéreuse car la main d’œuvre attirée par des salaires élevés dans la viticulture se désintéresse du bois. On doit dans ces conditions adjuger les coupes à des bûcherons étrangers, italiens ou espagnols. Tout le système économique de la commune est atteint par la crise des produits forestiers.

Crise de l’élevage


Pendant tout le XIXe siècle, l’élevage reste très important. Il ne se ressentira que plus tard de l’abandon des coupes de bois qui raréfient les
pacages. Il n’est cependant pas florissant et les bergers ont du mal à maintenir leur cheptel.

Crise des produits industriels

  1. La soie
    L’industrie de la soie est au Causse tout particulièrement développée et rémunératrice au début du XIXe siècle. Or, à partir des années 1850, les vers contractent des maladies et leur
    élevage devient aléatoire. La production chute de moitié en 1852. L’introduction sur le marché français de cocons importés à bas prix d’extrême orient accentue encore le marasme. Les cours baissent et l’aide du gouvernement sous forme de
    primes ne peut relancer cette activité à domicile autrefois florissante et qui aidait tant de familles à vivre. Des deux filatures de St Jean de Buèges, l’une disparaîtra vers 1870, l’autre en 1900.
  2. Les peaux
    Le cours des peaux dégringole à cause de la concurrence étrangère et du traitement "industriel" des cuirs. Les éleveurs sont touchés, les tanneries de St Guilhem ferment leurs portes. Les courtiers sont de plus en plus exigeants et paient fort mal.
  3. Les produits annexes
    Les verreries forestières ont disparu fin XVIIIe siècle, idem pour le cadis, la fabrication de verdet (ou vert de gris) est depuis longtemps concurrencée par l’industrie.


La vigne


Devant tant de problèmes, deux solutions s’offrent aux caussenards : s’expatrier en ville et trouver un travail dans l’industrie ou la viticulture du "bas pays" ou poursuivre une activité agricole rémunératrice en abandonnant plus ou moins ce qui rapporte peu. La viticulture s’installe et s’impose dans nos garrigues comme

une activité intensive et de bon rapport. Elle sauve dans un premier temps de nombreux agriculteurs de la misère mais elle devient une culture exclusive bien qu’accompagnée au Causse par l’élevage du mouton.
On remarquera dans le tableau des cultures donné précédemment que la diminution des espaces consacrés aux céréales est concomitante avec

l’augmentation des surfaces plantées en vigne.
Peu à peu, une économie viticole s’installe dans un cadre anciennement pastoral, céréalier et forestier.
Malheureusement, en 1851, l’oïdum, maladie redoutable apparaît. Le remède est trouvé assez tôt et seulement 10 ha périssent. La prospérité semble retrouvée et la surface de vignoble augmente régulièrement jusqu’à 60 ha en 1860.
Notre commune va alors subir la plus grave crise économique de son histoire récente car, alors que la base principale de revenu est fournie par la culture de la vigne, cette dernière va être anéantie en quasi totalité par le Phylloxéra. Apparu dans la région de Lunel en 1870, ce fléau atteint le Causse en 1880. Quelques hectares dans les terrains sablonneux de Brunet et des Lavagnes subsistent, tout le reste est détruit. De nombreux agriculteurs, ruinés abandonnent le Causse et émigrent. D’autres relèvent le défi et replantent ; la greffe sur plan américain permet de reconstituer progressivement le vignoble. Les problèmes de chlorose dus à l’inadaptation du "Riparis" (porte-greffe américain) et les attaques de mildiou, nouvelle maladie apparue en 1885, ne facilitent pas le travail. Plus de 10 ans seront nécessaires pour reconstituer le vignoble.
La crise phylloxérique est à peine réglée qu’un nouveau fléau plus insidieux et pervers que les précédents va s’abattre sur tout le midi viticole : la MEVENTE. Il provoque misère et chômage. Le midi tout entier est en pleine récession. La guerre de 1914 n’arrange évidemment pas la situation, les hommes étant absents, de grandes propriétés ne trouvent plus d’ouvriers pour entretenir les vignes, surtout pour tailler. Ainsi, à Marrou, 70 000 pieds de vignes sont abandonnés et livrés au pacage des troupeaux pendant quatre ans alors qu’ils étaient en pleine production car ils avaient été plantés en 1900.
Ainsi, l’économie du Causse, fut longtemps prospère et équilibrée. Les diverses formes de progrès ont engendré une agriculture presque exclusivement viticole dans un cadre qui n’était pas le sien, en tout cas à cette époque là. Les données démographiques qui suivent sont sans surprises et confirment et étayent notre propos…

Courbe de la démographie au Caussse de la Selle de 1790 à nos jours

P.-S.

Article de presse écrit par J.P. Pitot et A. Vareilhes - La Garrigue entre la Séranne et le Pic Saint Loup n°85 - Juin 1996
Suite de la série résumant l’histoire de notre commune. Après avoir évoqué le causse au XVIIIe siècle, nous allons étudier à présent un passé plus récent. De nombreux éléments d’information proviennent du mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme d’études supérieures de géographie à l’Université de Montpellier en 1966 par Mme Jeanne Maurel que nous remercions une fois encore.

Cet article fait partie d’une série de trois : 1 - 2 - 3.

Avec l’aimable autorisation des auteurs.

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