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Le siècle passé : les lavandières de la fontaine romaine

lundi 6 janvier 2003, par Perrey Luc

C’était au temps où les essoreuses, les enzymes gloutons et agents anti-redéposition n’avaient pas fait leur apparition.

Les jeunes filles, dès qu’elles étaient en âge de tirer l’aiguille, se constituaient le trousseau qu’elles apporteraient fièrement, le jour de leur mariage, dans leur nouveau foyer.

Ce linge de maison devait les accompagner toute leur vie durant. En toile de lin ou de chanvre, il était un peu rêche au début, mais il s’adoucissait délicieusement au fil des ans. Son nettoyage faisait l’objet d’une lessive cérémonielle, appelée "bugade". Elle se déroulait deux à quatre fois par an et toujours à la belle saison.

La "bugade" était une affaire de femmes. Enfermées dans un sac en toile, les dernières cendres recueillies dans le four à pain faisaient office de détergeant. On faisait alors bouillir le linge dans une lessiveuse dont le champignonrejetait un grand bain de vapeur. En charette, en brouette ou sur la tête, la lessive était ensuite descendue jusqu’au ruisseau près de la Fontaine Romaine à Tréviers. Accroupies dans des caisses en bois garnies d’un coussinet (pour préserver les genoux), mains gercées (l’eau était plutôt froide), vêtements trempés, joues rougies à force de frotter avec du savon fabriqué à base de saindoux et de soude, les lavandières ou "bugadières" redoublaient d’efforts. Elles battaient chaque pièce avec un battoir jusqu’à ce que le "lessif" s’écoulant du linge leur indique qu’elles avaient vaincu la saleté. Le rinçage se faisait à l’eau claire avant d’essorer vigoureusement.

Si les serviettes et torchons séchaient alors sur les haies, draps et nappes étaient soigneusement étalés dans l’herbe des prés où la rosée du matin les blanchissait.

Des chants, des rires fusaient, des cancans aussi. C’est que ces dames étaient loin d’être muettes, Trinité Spada, qui a marqué cette époque, en tête. Le point d’eau était même propice aux confidences voire à quelques indiscrétions diffusées à voix basse. Dans les champs, les hommes avaient sûrement les oreilles qui sifflaient.

Puis, il faudrait encore repriser, repasser et plier, mais tout ce beau linge, gonflé d’une nouvelle jeunesse, faisait la fierté de ces blanchisseuses qui le rangeait dans des armoires délicatement parfumées.

P.-S.

Source : Le guetteur de Montferrand. Octobre 2000

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